[…] Quand l’artiste s’arrête enfin, au bord des chemins qu’elle participe à esquisser, elle lève le regard et plisse les yeux. Là, elle mesure le ciel, l’étalonne, cherche à en reproduire les couleurs. Ce travail au long court, elle en expose une partie dans le sous-sol de l’École d’art de Belfort où un gigantesque cerf-volant nous invite à lever la tête. Il n’est autre que la reproduction à grande échelle du cyanomètre mis au point en 1789 par l’alpiniste Horace-Bénédict de Saussure, à savoir un nuancier de tous les bleus du ciel, destiné à en évaluer l’intensité (53 bleus, 21 fils, 4 Beaufort, 2018). Cette palette, l’artiste l’a traduite en autant de drapeaux (Beau temps – ciels bleus, 2017) accrochés par la suite au Sémaphore de Ouessant comme aux haubans de bateaux, exposant aux regards des navigateur·rices toutes les couleurs possibles du beau temps.
[…] Tout au long de l’exposition, les œuvres nous encouragent à ne fixer ni les lieux ni les individus, mais bien plutôt à imaginer que la vie est « un composite tissé avec les innombrables fils que produisent des êtres de toutes sortes, humains et non humains, se déployant ainsi à travers cet entrelacs de relations dans lesquels ils sont pris ». L’artiste maille des chemins, crée des lignes et les entrecroise, dessus, dessous, dans le ciel, sur les cartes. En vous contant cela, je décris moi-même des trajets, établis des relations entre des événements passés, des œuvres à venir et une exposition future ; en me lisant et en parcourant l’exposition, vous créez des lignes à votre tour, tracez un chemin dans le monde, entremêlez les lignes dessinées par Pauline Delwaulle.
Extrait de : Sophie Lapalu, « Tracer des chemins, emprunter des lignes », in Cahier du 19, Crac, sept. 2022.